« La « culture de l’annulation » transforme le débat public en un tribunal permanent où toute pensée divergente est disqualifiée » : retrouvez la tribune de David Lisnard pour Le JDD.
L’élection de Donald Trump, aux États-Unis, témoigne du ras-le-bol général à l’égard du wokisme. Face à cette idéologie mortifère, il est nécessaire d’affirmer l’importance du libéralisme, estime David Lisnard, maire de Cannes et fondateur du parti Nouvelle Énergie.
Le wokisme recule aux États-Unis. Ce mouvement, qui avait envahi les universités, les entreprises et les médias, voit aujourd’hui ses excès dénoncés et son influence remise en cause. Les pratiques de censure, d’assignation identitaire et de victimisation systématique, après avoir fracturé la société américaine, suscitent une opposition croissante. Plusieurs États ont interdit l’enseignement des théories critiques de la race dans les écoles, et des entreprises autrefois pionnières des politiques de diversité abandonnent désormais ces programmes devenus sources de division. L’élection de Donald Trump est aussi une manifestation de l’exaspération d’une partie importante de l’opinion à l’égard du wokisme.
La France doit en tirer les leçons
Ce rejet marque la contradiction d’une idéologie qui prétend émanciper en divisant, mais qui ne produit qu’un appauvrissement du débat public, une polarisation destructrice et un affaiblissement des institutions. La France doit en tirer les leçons et opposer une réponse ferme et cohérente à ce mouvement en s’appuyant sur cette valeur cardinale qu’est la liberté.
La liberté ne se divise pas
La liberté ne se divise pas. Elle transcende les appartenances pour garantir à chaque individu la possibilité d’agir, de penser et de créer librement. Une société qui fragmente ce principe au profit de revendications particularistes se condamne à l’injustice. Ce n’est pas la reconnaissance des différences qui menace la liberté, mais leur instrumentalisation au détriment du bien commun.
L’hypocrisie de la justice sociale
Le wokisme s’impose comme une idéologie qui prétend déconstruire les injustices en segmentant la société et en assignant les individus à résidence identitaire. Sous couvert de justice sociale, il sape les fondements mêmes de la cohésion nationale et de la démocratie libérale. En assignant chaque individu à une identité rigide, il réduit l’être humain à son appartenance à des groupes supposés d’oppresseurs ou d’opprimés. Cette segmentation, loin de reconnaître la diversité humaine, l’appauvrit en condamnant chacun à un rôle prédéfini, figé par une grille de lecture binaire. Et elle n’est que source d’arbitraire, construction d’antagonismes, génératrice de violences.
Ces mécanismes ne sont pas sans conséquences. Les universités américaines ont été le théâtre d’une multiplication des interdits : des professeurs ont été licenciés pour avoir exprimé des opinions contraires à la norme idéologique dominante, des œuvres littéraires majeures ont été retirées des programmes, et des débats académiques ont été étouffés. Une enseignante a ainsi été accusée de discrimination à Sciences Po pour avoir refusé d’employer les termes « leader » et « follower » dans son cours de danse, leur préférant ceux d’« homme » et de « femme ».
Un climat de méfiance dans les entreprises
Dans le monde de l’entreprise, les politiques de diversité imposées ont non seulement fragmenté les équipes, mais ont aussi généré un climat de méfiance et de tensions internes. C’est ainsi que l’on voit fleurir les postes de représentants « Diversité, Équité et Inclusion » (DEI) pour promouvoir ces valeurs au sein de certaines sociétés.
Les arts et la culture, bastions historiques de la liberté d’expression, ont également subi les assauts du wokisme, avec l’annulation d’artistes, la réécriture d’œuvres classiques et la censure rétroactive de contenus jugés « problématiques ».
Le wokisme ne construit pas, elle détruit des artistes, des entrepreneurs, des sportifs
Les idéologies identitaristes, comme l’a analysé Hannah Arendt, privent les individus de leur autonomie en les enfermant dans des catégories qui annihilent leur capacité à agir librement. La « culture de l’annulation » transforme le débat public en un tribunal permanent où toute pensée divergente est disqualifiée. C’est ce qui a conduit un lycée canadien, en janvier 2023, d’exclure un élève de 16 ans, Josh Alexander, pour avoir affirmé que « le genre ne doit pas l’emporter sur la biologie ». Le wokisme est sectaire, extrémiste, violent !
Une idéologie destructrice
Cette idéologie ne construit pas, elle détruit des artistes, des entrepreneurs, des sportifs, dont la notoriété les expose à la tyrannie des procureurs moraux dont la jouissance est dans la sentence de la condamnation à mort sociale. L’examen rigoureux des faits par une justice neutre, le respect de la présomption d’innocence, l’égalité des armes dans un procès, le dialogue tout simplement, sont remplacés par la coercition morale, ce qui étouffe les fondements mêmes de la démocratie libérale.
Face à ces dérives, le libéralisme offre une alternative puissante et cohérente. Contrairement aux idéologies qui opposent les uns aux autres, le libéralisme réunit car il affirme que chaque individu, indépendamment de ses origines, est porteur de la même dignité, conséquence de la liberté.
Le libéralisme, loin d’ignorer les injustices historiques, s’attache à les corriger sans sacrifier l’égalité des droits
Cette vision universaliste ne nie pas les différences, mais refuse qu’elles deviennent un prétexte à la division. Frédéric Bastiat dénonçait déjà les politiques qui, sous prétexte de justice sociale, favorisaient certains groupes au détriment d’autres, fragilisant ainsi l’ensemble du corps social. La justice véritable, aveuglée par son bandeau, est celle qui s’applique sans distinction ni privilège.
Le libéralisme, loin d’ignorer les injustices historiques, s’attache à les corriger sans sacrifier l’égalité des droits. En transcendant les appartenances collectives, il garantit à chacun la possibilité de se réaliser pleinement, non pas en tant que membre d’une catégorie, mais en tant qu’individu libre et responsable.
Là où le wokisme enferme les individus dans des identités collectives figées, la liberté les libère de ces carcans. Là où le wokisme segmente la société en groupes antagonistes, la liberté réaffirme l’universalité des droits et la dignité de chacun. Là où le wokisme impose une vérité dogmatique collectiviste et exclut toute contradiction, la liberté ouvre un espace de dialogue où les idées peuvent se confronter et évoluer.
Le libéralisme comme remède au wokisme
C’est pourquoi il nous faut réaffirmer ce qui fait notre singularité : une culture où l’individu est invité à penser par lui-même, non à se conformer ; à créer, non à se retrancher derrière des clivages ; à servir le bien commun par la responsabilité et l’effort, non par l’anathème. Cela exige de redonner à l’instruction, au civisme, à la raison critique et à la culture une place centrale, pour que notre société ne soit pas condamnée à subir les dogmes qui l’affaiblissent
Héritier des Lumières, le libéralisme incarne cette dynamique d’émancipation ; il offre à chacun les outils pour comprendre le monde et y agir en citoyen. Il n’est pas une réponse parmi d’autres au wokisme : il est le remède, à une époque où le doute sert d’alibi au renoncement.