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David Lisnard, photo AFP

La loi sur l’immigration, adoptée au parlement en début de semaine, soulève notamment la question de l’immigration économique. Pour David Lisnard, il est essentiel de ne pas tomber dans les mêmes travers que certains de nos voisins. Explications.

Atlantico : Le vote du projet de loi immigration provoque une crise politique. Les Républicains sortent-ils renforcés de cette séquence ? 

David Lisnard : C’est évident. Pour plusieurs raisons. Ce sont Les Républicains qui ont mené la discussion et qui ont imposé leurs propositions. Ils en sortent renforcés. Tout le monde reconnaît que l’immigration est devenue un problème majeur et qu’elle pose un problème massif au pays. En face, il faut maintenant une politique puissante et une évolution constitutionnelle. Et c’est ce que propose LR.

Cette loi n’apporte qu’un début de réponse. Elle a suscité un psychodrame alors qu’il manque tant d’éléments pour qu’on ait une vraie politique migratoire efficace. Pour être effective, il faut une réforme constitutionnelle pour que l’action ne soit plus contredite par des jurisprudences sclérosantes. Mais au-delà du droit ; avec mon parti Nouvelle Energie nous insistons aussi sur la nécessité de réorganiser les services de l’Etat qui sont totalement dispersés pour le traitement de l’immigration. En France, on parle toujours du législatif mais jamais de l’exécution. Or, nous avons un problème d’exécution. On le voit très bien avec les OQTF ou avec les interdictions de séjour, comme d’ailleurs dans tous les autres domaines de l’action de l’Etat. 

 

Comment faire ?

Pour maîtriser l’immigration, il nous faut certes mieux lutter contre l’immigration illégale mais aussi considérablement diminuer l’immigration légale. Il ne s’agit pas de dire qu’il faut une immigration zéro, ça, ce sont des positions démagogiques. On ne peut pas et on ne doit pas le faire. Mais je pense qu’il faut au moins diviser par huit l’immigration légale. Il faut avoir des quotas pour maîtriser l’immigration sur le plan quantitatif et qualitatif. C’est ce qui commence à être prévu par cette cette loi et qui se fait dans quasiment tous les pays. Voilà pourquoi il faut sortir de l’étau des jurisprudences européennes, des interprétations de la CEDH, du Conseil d’Etat et du Conseil Constitutionnel. Il faut sortir de cette jurisprudence qui empêche d’avoir une politique effective de quota et de maîtrise de l’immigration légale.

Vous dîtes que Les Républicains ont marqué un point en montrant qu’il fallait une réforme de la Constitution. Ont-ils une stratégie politique pour y parvenir sans passer par une alliance avec le Rassemblement National ? Quel est le chemin politique ?

 

Le chemin qui compte est celui qui permettra le sursaut salutaire de la France. Il ne peut se faire dans les arrangements politiciens. Pour cela il faut être fort, fort d’un corpus clair, opérationnel, puissant qui ne s’affaiblisse d’aucune tractation tactique et électoraliste. Et parallèlement faire monter des nouveaux talents, en prise avec la vie réelle, refuser tout conformisme et tout « révolutionarisme », convaincre, avec abnégation, partout, dans les collectivités, en entreprise, à l’université, par chaque discussion, sur les réseaux sociaux, dans les médias. C’est bien pourquoi j’ai lancé Nouvelle Energie, pour ne pas faire des habiletés, de l’eau tiède et de l’ambiguïté racoleuse, parce que je suis certain que les propositions que nous portons sont les bonnes, utiles au pays, pour, par exemple, la retraite par capitalisation collective obligatoire, pour une nouvelle politique de la famille et démographique, pour redevenir une puissance éducative et culturelle, pour une espérance environnementale par la science, le droit international, l’innovation et l’investissement entrepreneurial, pour une ambition numérique, pour lutter contre la bureaucratie, pour retrouver de l’efficacité sécuritaire et du bon sens régalien, pour restaurer une Justice digne de ce nom, pour régénérer notre démocratie, donc notre état de droit, en sortant de l’impuissance publique… 

 

Le Medef ne partage pas votre position sur l’immigration légale. Patrick Martin, au contraire, demande plus d’immigration pour les entreprises 

La position du Medef, je l’entends et je la respecte, mais je ne la partage pas puisque telle que vous la présentez elle limite l’immigration à une question économique. Je suis pour la liberté entrepreneuriale. L’immigration n’a pas à être l’armée de réserve du patronat comme disait Marx à propos du chômage. Or aujourd’hui, nous savons et nous voyons que l’immigration pose un problème beaucoup plus large et intense que celui du travail comme facteur de production. La dimension économique est une dimension parmi beaucoup d’autres. Nous sommes face à une problématique sociale et sociétale. Par certains aspects, c’est aussi une problématique civilisationnelle et sécuritaire. 

Je ne trouve pas non plus leurs arguments valables sur le plan économique puisqu’avec l’immigration actuelle, massive et non maîtrisée, on importe de la pauvreté. Elle pèse, entre autres, très lourd sur le coût des services publics. En l’absence de quotas, nous subissons une immigration d’emplois non qualifiés. Ce qui amplifie le problème de l’accès au travail puisque l’immigration tire les salaires vers le bas.

 

Le patronat devrait davantage se focaliser sur la question du coût de l’emploi, le coût du travail et le fait qu’il y ait trop peu de différentiel entre les revenus liés à l’assistance et les revenus liés au travail, notamment au moment de l’entrée sur le marché de l’emploi. Il faut que le salaire net soit beaucoup plus élevé sans remettre en cause la compétitivité des entreprises. C’est tout le magma du système social, une spécificité française, qui consomme un tiers du PIB et qui est un boulet. Entre le salaire brut versé et le salaire net perçu, il y a une énorme différence. Il faut trouver le moyen d’avoir un salaire net d’entrée sur le marché du travail plus élevé pour le travailleur et moins coûteux pour l’employeur. C’est un peu plus compliqué que de se contenter de dire qu’on va faire rentrer on ne sait pas combien de travailleurs clandestins sur les métiers en tension. 

 

Ne faisons pas la même erreur que l’Allemagne. Souvenez-vous il y a quatre ans. L’Allemagne a ouvert les vannes à l’immigration économique à la demande du patronat. Elle les ferme complètement aujourd’hui. En France, le taux de chômage chez les étrangers est au moins le double du taux de chômage des Français. Par ailleurs, le prisme d’une immigration pour faire des jobs que ne veulent pas faire les français est souvent faux. C’est une considération très démagogique. Je le constate sur le terrain et en tant qu’employeur public. Ce ne sont pas des étrangers qui ramassent les poubelles par exemple, ce sont des Français. Dans ces français, il y a une part issue de l’immigration mais qui, contrairement à ce qu’on croit, est minoritaire.

Avec le vote de la loi immigration, Emmanuel Macron se trouve-t-il dans une impasse politique ? Comment gouverner sereinement le pays jusqu’à la fin de son mandat ?

 

Cette loi, qui a généré une tragicomédie politique, dans le meilleur des cas, ne règle qu’une petite partie du problème. Dans le pire des cas, elle renvoie à la pertinence de ce que dit LR c’est-à-dire qu’il faut refaire une réforme constitutionnelle. Emmanuel Macron a publié un livre en 2016 intitulé « Révolution ». Il y a deux acceptions au terme, soit c’est un changement radical soit on tourne en rond. Là, on tourne en rond. On a eu « le grand débat », le CNR – même sigle qu’à la libération, rien de moins -, les « grands rendez-vous » du Ségur, du Beauvau de la sécurité ou encore cet automne « l’initiative d’ampleur » des réunions de Saint-Denis avec les partis politiques, en attendant « le rendez-vous avec la nation » en janvier annoncé il y a quelques jour par le président de la République. Et je dois en oublier… Quels sont les actes ? Leur suivi, leur évaluation ? Quelle est dans tout cela  la vision au sommet de l’Etat de l’avenir de la France?  Il y a une succession de séquences de communication avec de l’emphase linguistique proportionnelle à l’incapacité d’action.

 

Le Président doit-il dissoudre l’Assemblée Nationale ? A-t-il encore les moyens de faire passer des projets de lois sans créer un maximum de tensions ?

Là, le projet de loi pour l’immigration est passé dans le sens que voulait LR. On verra pour le reste. Je ne suis ni parlementaire, ni dans l’Exécutif d’Etat. Je suis maire. J’ai appris à me concentrer sur ce que je maîtrise. C’est-à-dire ce que je fais dans ma mairie et ce que je propose avec mon parti Nouvelle Energie. Nous, on travaille. On essaye de faire des propositions fortes sur l’éducation, l’économie, la retraite etc. Les circonstances seront ce qu’elles seront. Seules la constance et la consistance permettront d’y répondre.

Si dissolution, faut-il un LR comme Premier ministre ? Certains disent qu’Edouard Philippe, patron d’Horizon, pourrait redevenir Premier ministre.

Je ne veux pas commenter. Tout ça c’est de la fiction. Si il y a dissolution, il y aura une nouvelle élection. C’est la nouvelle majorité parlementaire qui déterminera qui sera le nouveau Premier ministre. Objectivement, je ne crois pas que ce sera un Horizon ou d’autres partis d’ailleurs de la macronie. Je pense que la majorité parlementaire serait plus à droite.

 

En tant qu’élu local, comprenez-vous la fronde des 32 départements de gauche qui disent ne pas vouloir appliquer la loi immigration concernant notamment la restriction de l’allocation d’autonomie ? 

Moi, même si je ne partage pas sa conviction, je comprends la position d’Aurélien Rousseau, ministre sortant de la santé, qui ne se sentait pas en phase avec la philosophie d’une loi votée avec l’assentiment du gouvernement. Il a démissionné de son poste de ministre de la Santé, c’est une décision très respectable. En revanche, cette loi est légitime donc elle doit être appliquée. Ce n’est pas une loi scélérate, une loi d’un régime d’exception. Donc, je comprends la résistance intellectuelle de ces conseillers départementaux mais pas la posture d’une non-application de loi. Ce n’est pas admissible par définition. Je ne peux pas cautionner ça. Si à chaque fois qu’il y a une loi qui m’offusque, je ne devais pas l’appliquer; on n’appliquerait pas grand-chose à Cannes : Le zéro artificialisation nette, la mise sous tutelle des collectivités territoriales, on nous met sous dépendance de l’État, on conteste politiquement, on essaie d’obtenir des changements, mais en attendant on s’attache à appliquer. « Résistance et obéissance, voilà les deux vertus du citoyen », disait le philosophe Alain.

 

Enfin, en cette période de fêtes vous publiez une lettre au Père Noël. Une lettre dans laquelle vous dénoncez le social étatisme à travers le dispositif ETincelles. De quoi s’agit-il? 

Un machin dont personne n’a parlé à cause du psychodrame sur l’immigration. Le Président de la République fait pourtant un bon constat et identifie un problème. Nous avons des PME et des grands groupes, mais nous manquons d’ETI, les Entreprises de Taille Intermédiaire. Pourquoi n’avons-nous-pas, comme en Allemagne, ce capitalisme familial qu’on retrouve dans les petites entreprises qui ont entre 250 et 5000 salariés ? Tout simplement d’une part parce que les transmissions y sont fiscalement plus difficiles, s’autre part parce qu’on manque de capitalisation. On manque d’épargne tournée vers l’entreprise. C’est pour ça qu’au moment de la réforme des retraites il fallait aller plus loin. Il faut qu’on instaure une retraite par capitalisation obligatoire collective, entre un filet de sécurité par répartition et la liberté de capitalisation. Cela permettrait d’avoir des pensions beaucoup mieux garanties pour les futurs retraités, de contribuer progressivement à assainir les comptes publics qui ont en bien besoin, c’est un euphémisme, et à financer les entreprises intermédiaires notamment. Il y a beaucoup de pays où ça marche très bien. 

 

En France, on ne fait pas ça. A la place, on invente le dispositif ETincelles. Il faut voir le verbatim sur le site de l’Elysée, il y a douze fois le mot « bienveillance ». Ce dispositif prévoit que des hauts fonctionnaires de qualité vont accompagner 500 PME sélectionnées pour devenir une ETI. Sélectionné par qui ? Comment ? on ne sait pas. Par ailleurs, 500 PME c’est moins de 10% des PME françaises. C’est totalement déconnecté de la vraie vie des entreprises. On est sur une énième expression du social-étatisme qui plombe le pays depuis 40 ans. Emmanuel Macron, c’est un peu plus sophistiqué que François Hollande. Mais c’est la même matrice. Il en faut du social-étatisme, mais tout est une question de proportion. Quand on a 57% de dépenses publiques et le record des prélèvements obligatoires, c’est trop. Beaucoup trop. Et c’est ce qui tire notre pays vers le bas.

Retrouvez l’interview de David Lisnard pour Atlantico ici.

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