TRIBUNE | En 2025, l’obtention d’un rendez-vous avec un spécialiste peut excéder un an, 22% des services d’urgences publiques ne sont pas en capacité d’assurer un accueil continu, et 87 % du territoire est classé en désert médical.

La France bénéficie pourtant d’un savoir-faire médical et soignant reconnu, d’une formation d’excellence et de ressources financières substantielles. Cependant, malgré des dépenses de santé atteignant 325 milliards d’euros, des millions de citoyens rencontrent des difficultés majeures d’accès aux soins. Le problème ne vient donc pas des moyens, mais de leur mauvaise répartition dans un système sclérosé par une organisation rigide et des structures administratives obsolètes.
La charge bureaucratique pèse de manière disproportionnée sur le corps médical et paramédical : en moyenne, un médecin consacre 20 heures par semaine à des tâches administratives, et 34 % du personnel hospitalier remplit des fonctions non médicales. Cette charge accroît les tensions organisationnelles et favorise un cloisonnement des métiers de la santé.
Autrefois classé parmi les meilleurs au monde, notre système de santé est désormais marqué par des indicateurs préoccupants : une densité médicale de 3,2 médecins pour 1 000 habitants, situant la France au 26ᵉ rang de l’OCDE ; un vieillissement du corps médical, avec 44 % des médecins âgés de 55 ans et plus ; un renouvellement insuffisant, illustré par un taux de nouveaux diplômés de seulement 9,5 pour 100 000 habitants, classant la France 30ᵉ sur 36 pays.
Les contraintes réglementaires freinent la télémédecine et interdisent encore l’accès direct à certains professionnels de santé, comme les infirmiers ou les kinésithérapeutes. Ces blocages aggravent la surcharge des généralistes et allongent les délais de consultation. Il est urgent de recentrer le système sur le patient, en lui permettant de consulter librement sans être pénalisé par un parcours obligatoire.
Il devient aussi impératif de redéfinir les missions des soignants et de libérer au maximum les compétences de chacun pour mieux soigner ensemble.
La reconnaissance de la pratique avancée pour les infirmiers, leur permettant de prescrire et de suivre certains patients de manière autonome et en accès direct, constitue une avancée majeure. Il est désormais nécessaire de généraliser cette évolution à l’ensemble du métier infirmier et de l’étendre à d’autres professionnels.
L’accès aux soins en sera amélioré, de même que la réponse aux besoins croissants de la population, en respectant une gradation des soins entre professionnels au regard des compétences de chacun.
S’agissant de la lutte contre les déserts médicaux, elle nécessite une approche pragmatique qui ne restreigne pas la liberté d’installation des médecins mais qui propose un conventionnement différencié avec l’Assurance Maladie, en fonction des zones dans lesquelles les médecins décident de s’installer et des besoins sanitaires locaux. Une approche contractuelle, souple, pragmatique, permettra de mieux adapter offre et demande.
Surtout, il est prioritaire d’en finir avec le malthusianisme sanitaire et d’augmenter le nombre de praticiens.
Supprimer immédiatement le numerus apertus, afin de doubler le nombre d’étudiants formés d’ici 2030, tout en repensant le cursus universitaire : l’apprentissage doit être accéléré, avec la possibilité d’exercer sous supervision dès la cinquième année, ParcourSup doit être supprimé, la double licence LAS/PASS doit être simplifiée, et le concours national classant doit s’adapter aux besoins réels de soins et non à la répartition des postes accessibles en internat. Parallèlement, il faut renforcer la formation pratique.
Il est impératif de diversifier les lieux de stages hors CHU, en intégrant davantage les établissements publics, privés et libéraux, et en favorisant les partenariats entre universités et structures hospitalières privées. L’autonomie des facultés de médecine doit être accrue, leur permettant de contractualiser librement avec les acteurs du secteur, afin d’adapter l’offre de formation aux réalités du terrain.
Si l’Etat, comme c’est le cas pour nos armées ou pour la sécurité intérieure, doit définir une stratégie de long terme à travers une loi d’orientation et de programmation sanitaire pluriannuelle, la définition des besoins sanitaires ne peut plus être dictée depuis des instances administratives centralisées.
Pratiquons enfin la subsidiarité ascendante pour que les élus locaux, et les représentants des professionnels, en lien avec les Préfets, jouent un rôle central dans l’analyse des besoins et l’organisation de l’offre de soins afin d’assurer une meilleure allocation des ressources médicales. Dans cet esprit, il est temps que les maires retrouvent la présidence des conseils d’administration des hôpitaux.
Une simplification institutionnelle et une décentralisation accrue des décisions permettraient une action plus rapide et efficace.
Plutôt que d’accumuler les instances et les échelons administratifs, supprimer les ARS en confiant la partie des missions à conserver aux préfets, tout en y associant les collectivités locales, permettrait de s’adapter aux réalités du terrain, au plus près des patients et des professionnels.
La France n’a pas un problème de qualité des soignants, elle a un problème d’organisation. Notre pays manque de médecins mais pas de candidats (90 000 jeunes par an souhaitent embrasser une carrière médicale). Le statu quo est intenable. Assurer l’accès aux soins pour tous commence par libérer ceux qui soignent.
Enfin, il faut soulager l’hôpital. Cela commence par la relance de la médecine de ville, résultant de ce qui précède. En attendant, favoriser l’installation de maisons de santé locales à l’échelle de chaque ancien canton, généraliser la télémédecine et simplifier le partage des données médicales sont des solutions immédiates pour désencombrer les urgences, où le nombre de passages a doublé en 30 ans pour atteindre 21 millions en 2023.
L’accès aux soins pour chacun dépend des choix que nous ferons : le choix d’un modèle fondé sur le dialogue, la souplesse et l’efficacité, plutôt que sur la coercition, la bureaucratie et la rigidité ; le choix de la confiance dans les soignants, plutôt que leur enfermement dans des carcans administratifs et une politique du contrôle culpabilisante ; le choix d’un système centré sur les patients, plutôt que sur des schémas de gestion déconnectés du réel.
Reconstruire notre système de santé est une priorité absolue. Ce n’est pas seulement une question de santé publique, c’est une question de dignité pour chacun.
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