TRIBUNE – David Lisnard a posé à ChatGPT la question qu’une journaliste de Elle a adressé à Emmanuel Macron, sur la relance de la natalité. Il en conclut que l’intelligence artificielle formule des propositions plus sensées que le mélange de démagogie et de technocratie du discours présidentiel.
L’effondrement démographique constaté désormais en France, comme dans d’autres pays, annonce de grands malheurs. Il révèle une forme de désespérance, parallèle à la crise de la spiritualité, dans laquelle s’enfoncent nos sociétés. Les prophètes de la décroissance et autres écologistes collapsologues, qui dépriment les nouvelles générations, n’y sont pas pour rien. Le président de la République a donc raison d’invoquer un nécessaire « réarmement démographique ».
Hélas, comme d’autres sujets soulevés à juste titre, les réponses apportées, par leurs contradictions ou/et leur dimension beaucoup trop partielle, ne font qu’amplifier le problème. Elles sont aussi le révélateur du conformisme étatiste qui nous dirige depuis trop longtemps et dont l’expression politique cumule approche technocratique et flatteries démagogiques ; ce que j’ai coutume de nommer le « techno-populisme ». L’interview donnée par Emmanuel Macron au magazine Elle n’y a pas dérogé. La démagogie – le populisme, pour reprendre le terme utilisé par le pouvoir comme martingale à l’égard de ses opposants – y est bien présente avec des formules destinées à plaire au lectorat de Elle, vu manifestement comme néofeministe (il est vrai que la formulation de certaines questions l’y invitait…). Citons le chef de l’État : « On a laissé des hommes s’exonérer de tous leurs devoirs de parentalité. » Or, qui est ce « on » qui aurait dû dire aux hommes quoi faire ?
Plus loin, s’agissant de la ménopause, le président déclare avoir « tendance à penser que si les hommes y étaient confrontés, ce sujet aurait été traité bien plus rapidement ! » Quelle étrange considération… Sur la GPA, cantonner l’opposition « de certains partis politiques français » à « de l’homophobie », puis considérer que « dire qu’il n’y a pas d’amour parce que pas de maman, c’est refuser le droit à des couples de même sexe d’avoir une famille », avant d’affirmer n’être « pas favorable » à la GPA en invoquant à raison la marchandisation du corps des femmes, tout en précisant immédiatement « que les parents d’enfants nés par GPA à l’étranger doivent être respectés et accompagnés », parce que « ce sont des familles aimantes » (ce qui est vrai au demeurant), relève à la fois de la godille royale qui fait la joie du « en-même-tempisme » et d’une volonté du président de flatter toutes les opinions.
Sans parler de sa réponse quand, d’abord avec pertinence, il considère ne pas être là pour définir ce qu’il « fallait dire ou non en termes de civilité ou de morale » puis condamne les « chasses à l’homme », avant de réaliser une nouvelle circonvolution pour se placer quand même du côté de certaines chasseuses : « Moi, je suis plutôt dans le combat, dans le maquis. » Comprenne qui pourra.
Voilà donc pour la partie populiste. La technocratique n’est pas en reste. Sur la PMA, le président précise sa volonté d’ouvrir aux centres privés « l’autoconservation ovocytaire » ; appelle à un « débat de la parentalité et notamment du rôle des pères » ; évoque son « grand plan contre l’infertilité » (on ne manque jamais de plans en France) avec un « check-up fertilité » à 20 ans passant par un « bilan complet, spermogramme, réserve ovarienne » ; propose « des campagnes en faveur de l’autoconservation d’ovocytes » et de « lancer un grand programme de recherche sur l’infertilité » (vous remarquerez comme tout est « grand »), sans oublier une « mission sur la ménopause » concernant les « traitements, accompagnement, ostéoporose, suivis cardio et psychologique ».
Car, comme sur le congé paternité, nous sommes à « un début de changement culturel ». La diversion sociétale est évidente pour ne pas parler des échecs sécuritaire, sanitaire, économique, budgétaire, éducatif. Pour le vocable, on hésite entre Le Malade imaginaire et Les Précieuses ridicules. Sur le fond, l’énarque en arrive donc même à technocratiser ce qui fait la grandeur et le mystère de la vie.
Ne pas voir dans une naissance avant tout la beauté et la poésie de la rencontre, leur préférer la technicité génitrice considérée comme un « droit à » ; oublier, pour le « réarmement démographique », la nécessité pour les familles de pouvoir s’épanouir, par le logement, par les revenus, par une instruction de qualité, c’est passer à côté de l’essentiel.
Agnès Buzyn lui répond magistralement dans Le Figaro du 13 mai: « Faire un lien entre déclin démographique et fertilité est une mauvaise façon de poser le problème. » « Il n’y a pas une épidémie d’infertilité mais des causes exogènes. Il convient donc de s’attaquer avant tout aux facteurs de risque, et à leur prévention, plutôt que de vouloir médicaliser la question de la démographie. » Et l’ancienne ministre de la Santé d’Emmanuel Macron, d’enfoncer le clou : « La réponse à la baisse démographique ne peut pas être une médicalisation à outrance de la fécondité des couples. » « La fonction de procréation doit rester une préoccupation individuelle, de l’ordre de l’intime. L’utilisation politique de tout ce qui touche à la procréation peut amener à des dérives. » Tout est dit.
Je ne reviendrai pas ici sur les propositions que j’ai pu déjà formuler pour relancer une vraie politique de la natalité. Mais j’ai posé à ChatGPT la même question que la journaliste de Elle au président de la République. Et la machine, avec beaucoup plus de simplicité et d’exhaustivité, a proposé cinq points qui renvoient à des « incitations financières aux familles », « des réductions d’impôt pour les parents » ,l’amélioration des « infrastructures et des services publics liés à la famille, tels que les crèches, les écoles, les centres de loisirs, les centres de santé maternelle et infantile », la promotion d’une « culture favorable à la famille », des dispositions pour « faciliter la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale », la « sensibilisation de la population aux enjeux de la baisse de la natalité », et la « promotion d’une vision positive de la famille ». ChatGPT conclut : « En combinant ces différentes mesures, il est possible de créer un environnement favorable à la natalité et d’encourager les couples à avoir des enfants. » L’IA, plus complète et plus humaine que l’ENA !
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