« Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
« Je ne suis point à la mode, je pense que sans la liberté il n’y a rien dans le monde ». Cette citation de Chateaubriand, extraite des « Mémoires d’outre-tombe », exprime la puissance de la liberté, valeur consubstantielle à la condition humaine.
Elle est l’expression finale de la volonté de l’homme, animal social, capable de ruptures, de création et de destruction, de modifier l’ordre des choses, tel que Prométhée nous en a fourni la capacité.
La liberté est une étrange chose.
On n’en parle jamais aussi bien que lorsqu’elle a disparu. On ne l’oublie jamais autant que lorsqu’on la pense acquise.
La liberté, pourtant, est un combat nécessaire, vital, existentiel.
Un combat pour la nature humaine, un combat jamais achevé, toujours à reprendre, un combat auquel notre passé nous engage.
Aujourd’hui, nous célébrons la libération de Cannes le 24 août 1944, la victoire de la liberté contre le totalitarisme nazi. La victoire de cet espoir lumineux qui se levait de façon de plus en plus visible sur l’Europe asservie.
Un de ces moments cruciaux, décisifs et rares, où notre pays, pour continuer à être lui-même, a su rompre brutalement avec un présent qui l’affligeait pour reprendre en main le cours de son destin.
Il y a 80 ans, des Hommes sont morts pour que nous puissions être libres.
Il y a 80 ans, au prix de sacrifices immenses, les forces de la liberté poursuivaient leur assaut pour briser la machine de mort et de haine nazi.
Il a 80 ans, à l’Ouest de l’Europe, les démocraties gagnaient. Quand sur le Front Est, des milliers de soldats de l’Armée rouge mourraient pour contenir puis repousser la Wehrmacht jusqu’à Berlin. Que les sacrifiés des ex-républiques soviétiques soient aussi salués pour leur contribution puissante à la victoire sur l’Allemagne nazie.
L’URSS lui substitua hélas en Europe de l’Est un autre totalitarisme, communiste, et n’oublions jamais non plus que Hitler n’aurait pu mener son dessein mortifère sans le pacte germano-soviétique signé, il y a eu exactement 85 ans hier, le 23 août en 1939 : l’alliance des deux totalitarismes du XXe siècle, le nazi et le communiste.
Oui, nous sommes libres aujourd’hui.
Cette liberté, nous la devons notamment à nos alliés américains, britanniques, canadiens, dont je salue à nouveau les représentants, qui affrontèrent le feu nazi pour débarquer sur le sol français et reconquérir, avec l’appui de la résistance intérieure, un territoire vaincu.
Leurs pertes furent nombreuses, elles furent cruelles et, pour cela, notre gratitude est sans mesure et éternelle.
Pour la seconde fois, en cette année 1944, le 15 août exactement, une armada de braves débarquait sur les plages de notre pays, en France, entre le Cap Nègre et Théoule sur Mer, pour délivrer la France du joug de l’occupant.
C’était l’opération Dragoon.
350 000 hommes, 250 bâtiments de guerre – dont 34 navires français – 600 navires de transport, 1 270 barges, avec l’appui de 2 000 avions et planeurs transportant 5 000 parachutistes, scelleront alors, dans un affrontement impitoyable, l’issue des combats et la libération progressive de notre région.
La reconquête de la France avait commencé par le nord deux mois plus tôt, sur les côtes de la Manche, elle se poursuivit par le sud, sur les côtes de la Méditerranée.
En revanche cette fois, les libérateurs étaient majoritairement français.
L’armée B de la France Libre, forte de 230 000 soldats français du Général de Lattre de Tassigny, qui sera plus tard la 1ère armée française, sortait de l’ombre pour se préparer au rendez-vous de l’Histoire.
Français libres, évadés de France, pieds-noirs, volontaires du Maghreb, d’Afrique occidentale ou équatoriale, « marsouins » de la Coloniale, goumiers marocains, fantassins algériens, tirailleurs tunisiens ou sénégalais, ouvrirent ensemble un autre front.
Des milliers de Français, aux parcours si divers et aux destinés si différentes, qui partageaient un même idéal et un même courage.
Des milliers de Français, qui ont avancé sur le sol de France, bravant les balles et les obus pour abattre un régime diabolique.
Des milliers de Français, qui remirent un pays vacillant, divisé, menacé, sur le chemin de sa grandeur. Et de l’Honneur bien sûr, grâce au Général de Gaulle.
Ils n’étaient qu’une poignée à l’échelle de cette guerre, mais une poignée de braves.
Ils étaient un symbole, ô combien déterminant pour rétablir l’honneur de la France, car ils ont permis que cette page glorieuse de l’histoire ne s’écrive pas seulement en France, mais aussi avec et par des Français.
Nous sommes réunis aujourd’hui pour dire notre fidélité à tous ces soldats et résistants, à ces âmes héroïques qui spontanément, ou au gré d’un cheminement moral progressif face aux exactions nazies et gestapistes soutenues par l’Etat Français du Régime de Vichy, ont engagé leur vie tout entière, parfois mis en danger celle de leurs proches, pour que notre pays sorte des chaînes auxquelles ses dirigeants avaient consenti.
Ces âmes héroïques, il y en eues à Cannes.
Il est près de 17 heures ce 24 août 1944 lorsque les Alliés entrent dans le centre-ville, en provenance de La Bocca. Ils traversent la rue d’Antibes, comme le défilé tout à l’heure. La foule des Cannois acclame ses libérateurs. Les drapeaux tricolores fleurissent aux fenêtres dans une ville pavoisée aux couleurs de la liberté, comme aujourd’hui. L’ennemi est refoulé. Il ne reviendra plus.
Le 24 août 1944, avec cette audace et cette insouciance qui font braver tous les dangers, dans un mélange irrésistible de violence, d’enthousiasme et de joie de vivre, Cannes s’est soulevée, aux côtés des armées françaises et alliées, pour briser le carcan de la servitude.
Et la lutte durera jusqu’aux dernières heures.
C’est la veille de la libération, dans la nuit 23 août, que les résistants Francis Tonner et Henri Bergia perdirent la vie à La Bocca sous les éclats d’un obus. Morts pour la France en service commandé, ils n’auront pas le bonheur de voir leur ville de cœur libérée. Sur leurs médailles de la résistance, est inscrit Patria non immemor : La Patrie n’oublie pas.
La Patrie n’oublie pas non plus les huit résistants abattus collectivement le 15 août 1944, par le chef de la Gestapo cannoise et deux de ses adjoints dans la cave de la villa Montfleury, alors siège d’une police politique allemande préparant sa fuite. Autant de vies ôtées par l’expression de la barbarie et de la cruauté associées à la peur. Nous touchons à ce moment-là, dans les sous-sols de la Villa, aux sombres tréfonds de l’âme humaine.
Souvenons-nous également que le même jour furent exécutés à Nice par les nazis 21 résistants dont Hélène Vagliano, héroïque Cannoise, âgée de 35 ans. Attachée au service de renseignements du Général de Gaulle, elle avait été arrêtée par la Gestapo à Cannes quelques semaines avant où elle subit ses premiers interrogatoires. Battue, torturée devant ses parents eux-mêmes menacés de mort, Hélène Vagliano ne parlera jamais, soutenant jusqu’au bout le moral de ses camarades par son attitude courageuse devant la mort. Elle, qui avait sauvé tant de vies, réussira à sauver celles de ses parents avant d’abandonner la sienne sous les balles des bourreaux allemands.
En mars 1945, le Général de Gaulle lui attribua la Légion d’Honneur et la Croix de Guerre avec palme. Il eut les mots suivants pour la désigner : « une jeune fille d’une très haute élévation morale et d’un patriotisme ardent qui a donné durant la guerre tout son temps et toute ses forces au service du pays ».
Hélène Vagliano et tous les résistants cannois ont fait honneur à notre ville, honneur à la France, honneur à l’homme libre. Et notre honneur aujourd’hui est de leur rendre hommage, hommage à leur force morale, hommage à leur courage.
C’est précisément pour leur rendre hommage que la Mairie propose en cette année anniversaire un dispositif exceptionnel, avec une série de podcasts ainsi qu’une carte interactive de Cannes autour des lieux portant les noms de toutes les figures liées à l’histoire de cette période, ainsi à la rentrée qu’une exposition aux archives municipales.
Je tiens à remercier tout particulièrement les équipes municipales en charge de ce grand travail de recherche, ainsi que Jacques Gauthier, qui accompagne toute l’année nos cérémonies patriotiques et mon adjoint Thomas de Pariente dont je connais l’intérêt personnel pour cette période, qui ont œuvré pour que tous les résistants soient honorés à leur juste valeur et que vous puissiez découvrir leur parcours de façon ludique.
C’est d’ailleurs dans le prolongement de ce travail que j’ai le plaisir de vous annoncer que nous dénommerons bientôt un espace en l’honneur d’une figue de la résistance cannoise, Sam Kadyss, décoré en 1947 de la médaille de la résistance par le Général Koenig. Engagé sur le front au début de la guerre, Sam Kadyss est d’abord fait prisonnier à Combes dans la Somme avant de s’évader en 1941 et de rejoindre la Zone libre et Cannes où réside son cousin. Il intégrera ensuite l’Armée Secrète – l’AS 24 – dont faisait partie notamment Francis Tonner.
Commémorer la libération, c’est commémorer la France debout. La France restaurée dans son honneur, dans ses valeurs et dans ses droits.
La liberté est un trésor qui se chérit aussi en temps de paix.
Cela est d’autant plus vrai que la liberté est continuellement empêchée.
Notre époque ne fait pas exception.
Bien sûr, il ne s’agit pas de céder à la facilité d’un discours démagogique qui consisterait à dire que nous sommes asservis.
Pourtant, certains pensaient à tort que la démocratie, et son corollaire la liberté politique, était l’horizon indépassable de notre temps après la victoire contre le nazisme puis l’effondrement du totalitarisme communiste.
Or, force est de constater que la liberté ne nous est aucunement une évidence.
Depuis près d’un demi-siècle au contraire, trop de nos compatriotes semblent avoir perdu le goût de cette si belle idée.
Comme si l’accoutumance à nos passions individualistes, couplée à la sidération face aux attaques dont notre liberté est l’objet, avait pris le dessus, nous plongeant dans une lâcheté inavouable.
Trop de Français pensent désormais moins comme citoyens responsables, donc libres, que comme consommateurs de services publics.
Ils réclament des droits pour eux, sans devoirs en contrepartie, prêts à ce que la liberté de tous s’efface pour peu qu’on paraisse leur garantir la leur, sous la forme d’une pleine capacité de jouissance des objets ou des loisirs variés qu’ils aiment.
C’est là chers amis que se situe le piège de la soumission volontaire.
La véritable menace pour la liberté vient souvent de notre propre complaisance à la restreindre.
Dans les conversations, nous entendons certains dire qu’ils aspirent à ce que l’armée accède au pouvoir, estimant qu’un bon dirigeant autoritaire « ferait du bien », balayent d’un revers de main ce qui fonde l’État de droit.
Le sacrifice des principes démocratiques n’amènera jamais rien d’autre que l’abaissement et le malheur. C’est ce qui rend la défense des libertés aussi dure, aussi belle.
Prenons le totem de la sécurité et l’idée qu’elle serait « la première des libertés ».
Si la sécurité est indispensable, une condition nécessaire de la liberté, elle est loin d’être suffisante. Il n’y avait sans doute pas de rues aussi sûres que celles de Moscou sous Staline ou de Berlin sous Hitler…
La tentation exclusivement sécuritaire est une chimère qui réduit les citoyens à être l’objet de la sollicitude infantilisante de ceux qui les gouvernent et prétendent non les servir mais les protéger, sans d’ailleurs que l’efficacité promise ne soit jamais au rendez-vous.
Voilà le cœur de la crise civique nous vivons et qui est entretenue par un régime de technocrates qui s’en nourrissent.
Le processus est malheureusement connu. Comme l’État n’arrive plus à sanctionner les abus d’une minorité, il pénalise et entrave l’usage de la majorité. Faible avec les forts, fort avec les faibles.
Chers amis, notre pays a été libéré en 1944 pour y rétablir la démocratie et la prospérité, pas pour soit qu’il s’enlise 80 ans plus tard dans le laxisme régalien et la tyrannie bureaucratique, soit qu’il sombre dans l’autoritarisme.
L’enjeu est de retrouver une véritable capacité d’action publique ferme et de démontrer que la démocratie n’est ni une mollesse, ni une faiblesse.
Le laxisme régalien reste l’une des menaces les plus importantes de notre liberté démocratique car il renvoie vers les tentations autoritaristes et entrave la capacité des citoyens et de leurs représentants à décider de leur destin, à retrouver un pouvoir d’action.
Ce laxisme se retrouve dans les comptes publics.
Le social étatisme dont souffre la France, qui fait de notre pays le champion du monde des dépenses publiques avec 58% du PIB, est un danger permanent.
La dette publique a dépassé 3100 milliards d’euros. – soit 45 600 euros par Français.
Cette spirale infernale n’est pas virtuelle. Elle n’est pas indolore. Bien au contraire. Les intérêts de la dette représentent cette année une charge pour les contribuables cinq fois supérieure à tout le budget de la Justice.
La France décroche, irrémédiablement, et la maîtrise des comptes publics doit devenir une priorité nationale car il n’y aura pas d’indépendance, de souveraineté, de liberté, dans la dépendance financière aux créanciers désormais majoritairement étrangers.
Permettez-moi de rappeler à ce stade que depuis 10 ans à Cannes, malgré un taux de pauvreté de la population historiquement élevé et supérieur, à 21%, de 7 points à la moyenne nationale, nous avons réduit de 71,5 millions d’euros le dette, multiplié par 8 la capacité d’autofinancement, tout en pratiquant la sobriété fiscale.
Tenue des comptes et sécurité sont indispensables à toute nation qui se veut libre et prospère.
Si la liberté figure en première position du triptyque des valeurs – liberté, égalité, fraternité – qui fondent la devise de la république française, ce n’est pas pour rien.
C’est parce que la liberté, la capacité de décision et d’action, pour un individu comme pour un groupe, est à la fois :
- la force de la création, donc du progrès ;
- l’expression de l’égalité en démocratie et au sein de notre République, tel que cela ressort bien de l’article premier de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, lorsqu’il énonce que« les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits » et que « les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune » ;
- enfin la liberté est la condition de la fraternité mais aussi de la dignité, car ces deux notions reposent sur la possibilité pour chacun du libre choix de son existence et de son comportement ;
Oui, c’est parce que la liberté est à la base de tout ce qui caractérise une société élevée, avec des individus eux-mêmes élevés, qu’il convient de la défendre et de la promouvoir, dans l’héritage de ceux qui ont combattu pour elle et a fortiori de ceux qui sont morts pour elle.
Or, la liberté est aujourd’hui attaquée de toutes parts, trop souvent dans l’indifférence, la passivité voire la complicité.
Les peuples libres d’abord sont menacés par ceux qui veulent les asservir.
C’est vrai quand des empires illibéraux, tels la Russie qui attaque l’Ukraine – Ukraine qui d’ailleurs en ce 24 août fête son indépendance nationale – ou quand la Chine accroit sa pression sur Taïwan, sont dans une logique d’expansion territoriale. C’est pourquoi la politique étrangère des démocraties doit être orientée clairement dans la résistance à ces autocrates conquérants, pour défendre en même temps nos intérêts et nos principes.
C’est vrai aussi quand les peuples qui aspirent à la liberté sont persécutés par leurs propres dirigeants. L’actualité nous conduit bien sûr au Venezuela. Citons également l’Iran et l’Afghanistan.
Ces phénomènes ne sont pas circonscrits à des frontières, ils sont mondiaux. Ils voient la démocratie et l’universalisme républicain non seulement contestés, ce qui est entendable, et chaque nation s’organise comme elle le souhaite en défendant les valeurs qui sont les siennes, mais aussi combattus, dénigrés, dans ce concept fourre-tout de « grand sud » au contenu victimaire qui reçoit chez nous la complicité de tous les « déconstructionnistes » et autres wokistes.
C’est pourquoi, en occident, en Europe, en France, nous avons à être vigilants, lucides, combattifs, face à toutes les ingérences, les attaques extérieures, les facilités internes, les glissements qui nous exposent aux menaces sur notre liberté et nous font renoncer à celle-ci.
Quelques exemples :
D’attaques, ingérences et menaces d’abord :
- regardons les cyber-attaques qui se multiplient, souvent du fait de hackers étrangers s’inscrivant dans une stratégie de déstabilisation de nos sociétés. Nos outre-mer en sont victimes de façon manifeste. La Russie et la Chine peuvent être à la manœuvre, comme en Nouvelle Calédonie et à Mayotte.
Mais citons ici, à Cannes, la cyber attaque dont a été victime au printemps l’Hôpital Simone Veil. Le piratage numérique des systèmes informatiques n’est pas une abstraction, une réalité virtuelle : des patients n’ont pu avoir accès à leurs soins – ce qui est particulièrement grave -, il a fallu réagir immédiatement et pendant des semaines et même des mois travailler dans une autre organisation improvisée. Des données personnelles ont été volées, une rançon a été demandée, et heureusement pas versée. Mais la remise en état de tout le système a coûté au moins deux millions d’euros. Avec notre argent. Les hackers sont bien connus et sont russes. Cessons toute naïveté.
- regardons aussi l’islamisme, dont les organisations actives, notamment les frères musulmans, veulent imposer leur idéologie politico-religieuse totalitaire, empêcher tout débat libre, disqualifier toute opposition intellectuelle, enfermer les immigrés dans une trappe identitaire radicale, soumettre les femmes, s’imposer à la démocratie libérale.
Sans même revenir sur les nombreux attentats meurtriers perpétrés au nom du djihadisme, sachons voir ce qui se passe en Belgique, en Grande Bretagne. La loi de communautés s’y impose au droit commun. Regardons encore dans certains de nos quartiers où le communautarisme s’oppose à la liberté des individus.
Rappelons que la démocratie – en France la démocratie républicaine – a produit des lois sévères qui sanctionnent durement, à juste titre, toute forme de racisme, d’antisémitisme et les discriminations. Car l’individu n’a pas à être victime de son origine ou enfermé par d’autres dans un seul élément de son identité.
Il est un comble de voir cette alliance sordide entre islamistes et wokistes d’extrême gauche, pervertir les esprits et attiser les frustrations, notamment de nos compatriotes récemment immigrés, contre ces mêmes lois de la République qui les protègent du racisme.
Alors soyons combattifs pour rappeler, défendre et partager ces évidences oubliées.
L’universalisme républicain, dont le principe de laïcité est devenu une composante essentielle, est plus que jamais un bel idéal vers lequel tendre. Il est menacé. C’est particulièrement grave. Le combat de la liberté se situe là aujourd’hui. Pour que les professeurs puissent enseigner en France sans menace et sans auto censure, l’Histoire, les sciences, les arts, la raison critique, à la base du civisme et de la démocratie.
Il y a quelques mois à peine, un enseignant, Dominique Bernard, a été assassiné pour cela par un islamiste. Comme avant lui Samuel Patty. Nous leur devons l’hommage, la reconnaissance et surtout de combattre implacablement l’idéologie, les organisations et les individus qui tuent et asservissent.
S’agissant des glissements, des renoncements, des facilités, sans être ici exhaustif, je souhaite évoquer rapidement quelques éléments de fond mais aussi un point de forme concernant les régressions de la liberté en France.
Sur le fond, nous venons de le voir, la liberté d’expression subit des atteintes graves, répétées et croissantes. Par ceux qui enferment le débat dans le ressenti victimaire, qui estiment que toute critique, parfois même tout information contraire à l’exaltation de leur conviction ou de leur croyance, constitue une offense. Et qu’il vaudrait mieux alors taire les faits, taire les contradictions, se taire.
Mes chers amis, se taire, c’est terrer la liberté, l’étouffer, la tuer. C’est accepter la soumission à ceux qui s’organisent pour imposer leurs convictions et leurs mœurs.
Sur le fond toujours, la liberté recule quand la propriété est attaquée. Pas de liberté sans propriété privée, pas de liberté sans espace privé, sans champ de l’intime préservé. Ce fut une grande conquête sociale héritée de l’esprit des Lumières et de la pensée libérale.
Or, quand les prélèvements obligatoires atteignent des niveaux record, donc en partie confiscatoires du revenu de chaque individu qui échappe ainsi à sa libre utilisation, à sa propriété, quand un propriétaire de maison ne peut pas expulser un squatteur mais s’expose à une plainte de celui-ci si le logement n’est pas aux normes ou lorsqu’il se blesse dans la piscine qu’il utilise illégalement, comme nous l’avons vu cet été avec une plainte déposée par un squatteur contre le propriétaire d’une maison, la société régresse dans ses fondements, dans sa capacité de garantir liberté et prospérité, intiment liées à la propriété.
Citons aussi la liberté d’entreprendre et de commercer, attaquée par un protectionnisme qui confond l’absolue nécessité de défendre la réciprocité dans les échanges internationaux et la fermeture des frontières commerciales, fermeture qui à terme s’avère toujours néfaste à la prospérité et à la richesse des nations. Et ne protège en rien les productions locales.
Car le protectionnisme est aussi efficace sur le plan économique que les lignes Maginot sur le plan militaire. Seule la créativité et la compétitivité, prix ou/et qualité, le travail et le capital, permettent l’existence pérenne de filières locales de production de biens et de services.
Entendre des dirigeants politiques, malheureusement de tous bords, condamner le principe même du libre-échange, est une aberration. Il s’agit d’une facilité politicienne pour flatter les électeurs en se basant sur le constat de déséquilibres commerciaux provoqués par le dumping de certains États.
Il est bien sûr hors de question de continuer à accepter de telles situations mais elles ne peuvent être combattues dans la durée que par des règles communes et des accords commerciaux équilibrés, et non par la démagogie, dont nous savons depuis les Grecs anciens qu’elle est l’ennemi de la démocratie, l’enfant qui la dévore.
L’interventionnisme public ne saurait être que provisoire et proportionné, en cas de circonstances exceptionnelles ou de distorsions de concurrence qu’il convient de réprimer et corriger. Dans le cas contraire, il s’agit d’une ingérence étatique infondée, liberticide et couteuse en prélèvements comme en bureaucrates, dans ce qui relève des échanges privés, le marché étant la meilleure façon d’adapter offre et demande, production et besoins, quantitativement, qualitativement, et avec le meilleur prix, par la libre et équitable concurrence.
La remise en cause de la sphère privée n’est pas du seul fait de systèmes légaux ou d’actions gouvernementales. Des tyrannies numériques horizontales, dans le plus pur esprit de la servitude volontaire, se mettent aussi en place, par l’utilisation intrusive de vidéos et photos prises dans des moments familiaux ou amicaux, puis partagées largement sur les réseaux sociaux.
Cette pratique est un vrai danger pour la démocratie et nos vies quotidiennes, pour nos libertés, a fortioripour les personnes qui ont quelque notoriété, par leur engagement entrepreneurial, associatif, politique, mais aussi pour les sportifs, les artistes, etc.
Elle résulte soit de l’intrusion d’autrui dans nos vies, soit de l’exhibitionnisme de notre époque, de l’exposition narcissique de son moi. Tout cela en réalité attaque les libertés.
Le danger est décuplé par deux facteurs :
- La captation des données personnelles par les gafam, qui les rendent utilisables ad vitam eternam, y compris par des gouvernements, sans aucun contrôle des personnes concernées ;
- Le développement d’idéologies moralisatrices, pudibondes, ou à des fins de pression politique, qui détournent les propos et images pour influencer le débat, jusqu’à condamner à mort sociale des individus, tels que les wokistes, racialistes et autres sectaires s’y emploient, pratiquant sur les artistes, élus, universitaires, enseignants et chercheurs, journalistes et même humoristes un maccarthysme inversé.
Car ces néo tyrans bafouent les principes de l’état de droit qui sont autant de garanties des libertés publiques et individuelles face à l’arbitraire. Quels sont ces principes : présomption d’innocence, instruction équilibrée à charge et à décharge, égalité des armes devant la Justice, respect du contradictoire, secret et temps d’enquête nécessaires à l’émergence de la vérité non sur des ressentis ou un simple témoignage, mais sur des faits, vérifiés, avérés.
L’ « arbitraire est le grand ennemi de toute liberté » comme l’a si bien dit et démontré Benjamin Constant. Que cet arbitraire soit d’Etat, par une bureaucratie tellement absconse qu’elle privilégie une caste technocratique et nuit à l’action humaine, ou qu’il résulte de l’opinion publique numérique et de procès médiatiques, ne change rien à sa nature asservissante et destructrice d’existences.
Les technologies telle l’IA générative d’images amplifient ce risque. Vous avez peut-être vu ces derniers jours les vidéos montrant Donald Trump, le candidat Républicain à la présidentielle américaine, donnant la main à sa concurrente Démocrate, Kamala Harris, les deux ensuite s’embrassant goulument, jusqu’à finir avec un bébé commun à la houppette blonde… Si en l’occurrence évidemment personne n’y croit, le détournement peut être beaucoup plus subtil et nuisible. Images et voix reconstituées par la machine peuvent inventer un récit totalement fictif mais dont l’authentification ou la réfutation ne peut plus être faite par l’homme ; seule une autre IA peut techniquement identifier ce qui est vrai ou pas.
Il ne s’agit pas de condamner cette technologie qui ne fait que commencer à révolutionner nos vies, professionnelles comme personnelles et politiques, et qui va être une source de progrès exponentiels dans de nombreux domaines, notamment en médecine, écologie, logistique, services, mais de dire qu’elle nous oblige, si nous ne voulons pas être esclaves de ceux qui l’utilisent, à la maîtriser nous-mêmes et à nous armer en Raison critique et en précautions dans sa réception dans le débat public.
Regardez déjà autour de nous le nombre d’inepties qui sont prises comme argent comptant sur le web, Facebook, etc, par des personnes d’âge confirmé ! Et qui se laissent convaincre d’horreurs quasi toujours fausses, ou plus simplement sont réfractaires à des données chiffrées et sourcées, quand cette vérité contredit une image non vérifiée et leurs croyances.
Défendre la liberté, veiller à l’avenir de la démocratie, protéger la vie des jeunes générations, c’est intégrer impérativement cette donne au débat politique pour faire gagner l’esprit constructif et la vérité, et non les ingénieurs du chaos et les forces destructrices si présentes aujourd’hui, qui nourrissent tant de mensonges, de polarisations, d’antagonismes non argumentés, de replis identitaires, d’antisémitisme, de racisme, de dénigrement de ceux qui ne s’inscrivent pas dans le même récit fantasmé.
La liberté et la démocratie sont toujours un effort. C’est bien ce que nous ont enseignés les combattants libérateurs, les courageux résistants.
Un effort sur la forme aussi, et c’est mon second point.
Je parle ici du comportement en société. Car certains pensent que le laisser-aller est l’expression de la liberté. Celle-ci n’est pourtant pas l’anarchie, elle en est même le contraire. Et la tenue, physique comme verbale, avec les autres, adaptée aux circonstances, fait partie de cette praxis, de cette éthique de base de chaque citoyen, qui permet une vie en commun apaisée et libre.
Toujours d’après le magnifique texte, fondateur, de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, selon la célèbre et si juste formule de son article 4, « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi. »
Donc, pour faire simple et opérationnel, il faut se tenir correctement et ne pas nuire aux autres dans l’espace public, au sens concret, physique du terme qui qualifie les rues, les places, plages, jardins publics, comme au sens abstrait, métaphorique qui désigne l’espace de débat public, médiatique et numérique.
C’est pourquoi, dans nos rues précisément, j’ai demandé à la police municipale de sanctionner les incivilités infractionnelles.
Je vous donne quelques exemples : depuis le début de cette année, de janvier à hier 23 août, la police municipale de Cannes a dressé 1991 amendes pour jets de déchets, 211 pour nuisances sonores, 1235 contre des conducteurs de trottinettes et de vélos sur les trottoirs, et même 152 depuis le début de l’été contre des passants torse nu dans les rues de la ville.
En 10 ans, cette lutte contre l’incivisme, qui passe aussi par de la sensibilisation, de l’information, de l’éducation et de la communication, s’est traduite par 218 000 constats verbalisés par la police municipale dont je salue le très gros travail.
Je rappelle à toutes fins utiles que le produit de ces PV ne revient pas à la Ville mais à l’Etat. Ce qui n’est pas normal, mais c’est un autre sujet.
Bien sûr, combien d’autres infractions ont lieu et ne sont pas constatées et donc pas sanctionnées ? Beaucoup, beaucoup… mais ce travail produit quand même des résultats et quoi qu’il en soit, j’ignore s’« il faut imaginer Sisyphe heureux », mais sachez qu’il est ici persévérant et ne lâchera pas.
Dans l’espace public au sens abstrait, celui du débat, ne revenons pas sur les insultes, calomnies et autres insanités qui sont prodiguées sur les réseaux sociaux par de courageux anonymes, au chaud derrière leur écran et dont l’effort se limite à taper une saleté sur un clavier. Non, je voudrais évoquer le laisser-aller de certains qui sont censés nous représenter, puisqu’ils font partie de la « représentation nationale ». Je parle bien sûr de quelques députés dont l’insoumission aux règles de respect des autres est proportionnelle à la vacuité de la pensée et au conformisme d’extrême gauche de leurs positions.
Les voilà qui pensent que pour être près du peuple, que manifestement ils ne connaissent pas, il faudrait être débraillé et grossier. C’est tout le contraire, insultant pour ceux qu’ils pensent séduire ainsi, et irrespectueux de leur mandants, sans oublier les contribuables qui les rémunèrent.
Je ne résiste pas ici au plaisir de vous citer un magnifique texte de Rudof von Jhering, publié en 1877 et intitulé L’esprit du droit romain dans les diverses phases de son développement :
« Il existe un rapport particulier entre ces deux idées fondamentales du droit romain, la forme et la liberté. Malgré leur contradiction apparente, car l’une garantit la liberté la plus illimitée de la volonté matérielle, tandis que l’autre la restreint étroitement au point de vue formel, elles trahissent cependant, par le parallélisme de leurs lignes de développement, leur dépendance mutuelle et réciproque et laissent deviner un rapport caché qui les enchaîne étroitement.
(…)
Ennemie jurée de l’arbitraire, la forme est la sœur jumelle de la liberté. La forme est en effet le frein qui arrête les tentatives de ceux que la liberté entraîne vers la licence : elle dirige la liberté, elle la contient et la protège. Les formes fixes sont l’école de la discipline et de l’ordre et par conséquent de la liberté, elles sont un boulevard contre les attaques extérieures : elles savent rompre ; plier, jamais. Le peuple qui professe le vrai culte de la liberté comprend d’instinct la valeur de la forme, il sent qu’elle n’est pas un joug extérieur, mais le palladium de sa liberté. »
Etre libre, c’est être responsable, respectueux de la fonction que l’on occupe et s’adapter aux circonstances. Par exemple, même si je préfère en cette saison être en short et en tee-shirt, eh bien lors d’une cérémonie officielle, de surcroît au pied du monument aux morts, je me présente à vous vêtu de façon plus substantielle.
Mes chers amis, sur le fond comme sur la forme, il nous faut mener le combat de notre époque pour la liberté. Ce combat est avant tout celui de la responsabilité individuelle, d’une reprise en main civique du pays qui circonscrive l’action de l’Etat à sa mission d’ordre et de justice.
Frédéric Bastiat l’exprime déjà très bien au 19ème siècle quand il évoque « le déplacement de la responsabilité qui a faussé l’opinion populaire. » Il précise avec une lucidité déconcertante, je le cite : « le peuple, accoutumé à tout attendre de l’État, ne l’accuse pas de trop en faire, mais de ne pas faire assez. Il le renverse et le remplace par un autre, auquel il ne dit pas : « faites moins », mais « faites plus » et c’est ainsi que l’abîme se creuse et se creuse encore. »
L’esprit civique n’est pas inné, il s’apprend par deux leviers : l’instruction et l’éducation qui sont à la fois le but et le moyen de la survie de la démocratie.
Le but parce qu’elles seules permettent à chacun de devenir pleinement citoyen, le moyen parce que seuls les citoyens font fonctionner la démocratie.
Raymond Aron disait en 1939 : « Je crois à la victoire finale des démocraties, mais à une condition, c’est qu’elles le veuillent ».
Cette question fondamentale est de nouveau posée aux Français. Nous avons les ressources, nous avons les atouts, mais avons-nous encore la volonté de redresser la France ?
En avons-nous le courage, condition de la liberté, comme les Cannois héroïques de ce 24 août 1944 ?
Tout le bonheur de l’homme tient dans ce devoir : agir et espérer.
La France de l’été 1944, ce sont des Françaises, des Français, de toutes croyances, de gauche, de droite, civils et militaires, jeunes et moins jeunes, qui se sont fédérés en son nom, portés par l’espérance du renouveau.
La France de l’été 1944 est un pays en ruine qui retrouvera progressivement la force en lui-même de se relever en redressant l’économie, ouvrant de nouveaux droits sociaux et redonnant à la France la place qu’elle doit avoir dans le monde.
La France de 1944 fêtait le bonheur d’avoir retrouvé sa souveraineté grâce au Général de Gaulle. Mais ce n’était pas un bonheur égoïste, c’était le bonheur d’une nation rassemblée et ouverte. C’était le bonheur d’un peuple qui croyait de nouveau en son destin, en sa parole, en son avenir.
Être libre ne va pas de soi. C’est un combat permanent, et en premier lieu face a à la tentation des renoncements.
Nous n’obtiendrons rien sans effort, rien sans abnégation, rien sans courage. C’est en croyant en notre avenir que nous pourrons inventer cet avenir.
Comme il y a 80 ans, le matin du 15 août, pour les soldats de la première armée française, sur les navires au large des côtes françaises, rien n’est écrit et beaucoup reste à faire.
Rappelons-nous que nos prédécesseurs ont défendu ce trésor de la liberté dans des époques dangereuses et qui exigeaient le sens du sacrifice.
Partageons à nouveau la ferveur de la France libérée, partageons et transmettons cette incandescence, retrouvons cet esprit de transcendance qui permet l’espérance.
Vive la Liberté !
Vive Cannes !
Vive la République !
Vive la France ! »