Retrouvez l’intégralité de son discours.
« Nous sommes le 16 juillet 1942. Depuis quelques jours déjà, le bruit court dans la capitale qu’une opération de police se prépare concernant la communauté juive. Les mieux informés quittent alors Paris,
quelques-uns se cachent, certains n’y croient pas, la grande majorité n’en ont même pas connaissance.
Et pourtant, en ce 16 juillet 1942, dès l’aube, à heure où s’éveille la ville, des milliers de familles basculent alors en plein cauchemar, simplement parce qu’elles sont juives. L’impensable se produit et un souffle de
mort se répand sur Paris.
En moins de deux jours, près de 13 000 personnes sont appréhendées, arrachées à leurs foyers par 4 500 policiers français, jetées sans ménagement dans les bus parisiens et les fourgons de la Préfecture de Police. Entassées dans des conditions inhumaines, transportées dans deux camps du Loiret, à Pithiviers et Beaune-la-Rolande, elles sont tous ensuite déportées vers les camps de concentration et d’extermination, destination d’où l’on ne revient presque jamais.
C’était il y a 82 ans, mais le fracas de l’horreur résonne encore. Il est, dans la vie d’une nation, des moments qui meurtrissent la mémoire. La rafle du Vel d’Hiv est l’un d’eux, une tache indélébile, celle d’une inhumanité monstrueuse, d’une honte ineffaçable, d’une perversion démoniaque qui prend
place au cœur du XXème siècle alors que la barbarie nazie précipite l’Europe dans les ténèbres, le peuple juif dans l’horreur et la France dans le déshonneur.
Au total, ce sont 80 000 Juifs qui ont été les victimes de la solution finale en France : 76 000 déportés, dont moins de 3 000 sont revenus, 3 000 morts dans les camps en France, et un millier de Juifs exécutés
ou abattus sommairement. Nous ne sommes pas, et ne pourrons jamais, être guéris de l’holocauste.
Nous ne sommes pas, et ne pourrons jamais, être guéris du Vel d’Hiv.
Tout a été écrit, dit et montré à ce sujet. Mais nous devons, encore et toujours, écrire, dire et montrer. Inlassablement. Car ce mal profond, ce vieux démon qu’est l’antisémitisme, ressurgit dans le monde entier. Il le fait à un moment qui, au contraire, aurait dû souder l’humanité contre la barbarie des pogroms réalisés par le Hamas en Israël le 7 octobre dernier. Ces massacres abjects ont donc en fait réveillé la bête immonde et généré immédiatement d’autres actes antisémites d’autant plus insupportables qu’ils ont vu
nombres de porteurs de voix d’extrême gauche, relayés par de pseudo intellectuels militants, en réalité idiots utiles et collaborateurs des islamistes, justifier ces barbaries par une dialectique d’inversion victimaire dont ils ont le secret propagandiste, et que j’ai dénoncée à plusieurs reprises dans les médias et par des tribunes.
Nous ne pouvons plus fermer les yeux sur ce poison qui se diffuse de plus en plus rapidement avec des complicités partout actives et un promoteur mondial : l’idéologie islamiste. Rappelez-vous les images du 29 octobre 2023, où une foule déchaînée, scandant des slogans pro palestiniens et religieux, a pris possession de l’aéroport de Makhatchkala, capitale du Daghestan, à la recherche d’Israéliens ou de juifs, allant jusqu’à vérifier les documents des passagers ou à assiéger des avions sur les pistes d’atterrissage.
L’antisémitisme ressurgit aussi dans nos démocraties, que certains pensaient, par naïveté ou par aveuglement, mieux préservées. Récemment encore, une synagogue située au cœur de Berlin a été visée par des cocktails Molotov et la plus grande synagogue de Madrid profanée.
Par crainte d’embrasement, les démocraties reculent comme le montre le refus des autorités belges d’organiser le match de ligue des nations Belgique – Israël « en raison des tensions liées au conflit israélo-palestinien ».
Comprenons-bien que le 7 octobre a servi de catalyseur à la haine, en activant un antisémitisme plus ou moins latent, et en désinhibant le passage à l’acte. En réalité, c’est toute une population qui a grandi avec la haine d’Israël et des juifs et ce que l’on voit aujourd’hui dans les rues de Berlin, Madrid ou Bruxelles ne date pas d’hier. Personne ne voulait y prêter attention, enfermé dans l’idée que l’antisémitisme était l’apanage exclusif de l’extrême-droite.
Il suffit pourtant de se remémorer les souvenir tragique de l’attentat en 2012 contre une école juive de Toulouse par le radicalisé Mohammed Merah ou l’attaque djihadiste en 2015 contre l’Hyper Cacher de la Porte de Vincennes par Amedy Coulibaly.
Depuis le pogrom du 7 octobre 2023, le plus grand et le plus barbare massacre de personnes juives depuis la Shoah, en France, où se trouve la plus importante communauté juive d’Europe, et où se
trouve aussi la plus importante communauté musulmane, que la montée des actes antisémites a été tragiquement spectaculaire. Ils ont augmenté de 1 000% !
L’antisémitisme s’affiche sur les murs de nos villes, il s’infiltre dans nos réseaux sociaux, il se répand dans les universités, à Sciences Po, sur certains plateaux de télévision jouissant de l’insouciance, mais surtout de la complaisance, de certaines forces politiques, avec à leur tête La France Insoumise ou le NPA.
Attention à la banalisation, elle est le fléau le plus sournois, et à terme elle est criminelle.
N’oublions pas que le 16 juillet 1942, la folie meurtrière de l’occupant a été secondée et mise en œuvre par des Français, par l’Etat français répondant aux exigences des nazis. Aujourd’hui, l’extrême gauche se soumet à son tour aux exigences du totalitarisme islamique et propose un récit d’inversion victimaire aussi idiot que dangereux. L’agresseur devient l’agressé et l’on défile aux cris « d’Israël assassin » défendant l’équivalence de situation entre les actes de barbares néonazis et ceux de l’armée d’un pays en urgence sécuritaire et en menace existentielle.
Quand souffle l’esprit de haine, avivé par certains partis politiques porteurs, de manière plus ou moins ouverte, d’une idéologie antisémite, alors cet esprit de vigilance qui nous anime doit se manifester avec plus de force que jamais. Ne restons pas passifs devant ce qui se déroule sous nos yeux car le risque est trop grand, le danger trop imminent. N’oublions pas que si un événement aussi abject que la rafle du Vel d’Hiv a pu avoir lieu sur le sol national en 1942, c’est aussi parce que les préjugés à l’encontre des juifs étaient partagés par un nombre substantiel de nos compatriotes, cédant à la facilité d’un antisémitisme
d’atmosphère.
Il n’y a aucune circonstance atténuante au crime de ceux qui se sont accommodés hier d’exécuter des ordres assassins, au prétexte de leur devoir d’obéissance. Il n’y aura aucune circonstance atténuante
pour ceux qui s’en accommoderont demain, au prétexte d’une fausse ignorance. Et si nous manquons de courage, il suffira de nous souvenir de ces hommes, de ces femmes et de ces enfants dont les vies furent brisées en juillet 1942 en partie à cause de la lâcheté du plus grand nombre.
Nous penserons alors à leurs souffrances, à leurs espoirs anéantis par le renoncement des dirigeants et de la majorité passive.
Si nous manquons de courage, nous nous inspirerons des grands exemples qui nous ont précédés, qui ont su s’opposer, résister et sauver des vies au péril de la leur. Leur bravoure est une lumière qui luit
dans les ténèbres de la nature humaine et que l’obscurité n’éteindra jamais. Cette lumière, c’est celle des « Justes », définis par la loi comme ceux qui « ont recueilli, protégé ou défendu au péril de leur propre vie et sans aucune contrepartie, une ou plusieurs personnes menacées de génocide ».
Il en est à Cannes qui ont exprimé ces valeurs humanistes avec honneur. 17 Cannois figurent ainsi parmi les 4213 Justes de France qui est le pays qui en compte le plus en Europe, avec la Pologne et les Pays-Bas, parmi les 27 712 reconnus par le Mémorial Yad Vashem.
Cette lumière, c’est celle de ceux qui firent le choix de la Résistance, du maquis, de l’Afrique du nord, de Londres avec le Général de Gaulle. Certains venaient de livrer quelques semaines avant la Rafle, à Bir Hakeim la première bataille décisive des Forces Françaises Libres.
Cette lumière, c’est celle de Léon Lewkowicz, 94 ans, qui a porté la flamme olympique dans les rues de Paris cette semaine. Ce rescapé du camp d’Auschwitz-Birkenau a participé au relais sur les lieux mêmes de l’emplacement du Vél d’Hiv « lieu de sport devenu lieu de départ vers la mort ».
Cette lumière enfin, c’est celle qui a accompagné toutes les familles juives traquées, soustraites aux recherches impitoyables de l’occupant et de la Milice, par l’action héroïque et fraternelle de nombreuses familles françaises. Permettez-moi ici d’exprimer une pensée particulière à l’attention de Claudine
Skornik, présente dans l’assemblée. Elle avait cinq ans durant la rafle, elle fut cachée par une de ces familles à Chambéry et elle retrouva, plus de soixante ans après, cette famille, à Cannes où elle habite désormais.
Tous ces exemples d’héroïsme, de courage, d’esprit français si j’ose dire, donne vie à ce que la France a de meilleur. Car si la France s’est trahie elle-même durant ces années sombres, c’est parce qu’elle avait renoncé à ce qui devrait lui être inséparable : l’universalisme et l’humanisme.
L’antisémitisme qui ronge le monde ne touche pas que le peuple juif, il est une atteinte à notre civilisation et à l’humanité. Dans ce combat, notre meilleure réponse est celle de l’éducation et de l’apprentissage d’une raison critique rigoureuse comme rempart à la barbarie. Le devoir d’enseigner et de transmettre est inhérent au devoir de mémoire. C’est aussi pour cela que l’Etat doit protéger nos enseignants, dont la mission d’éveil à la connaissance, de formation de l’esprit critique et de la liberté de penser par soi-même, est irremplaçable et constitue un pilier essentiel de la formation en République française.
L’Etat doit protéger les professeurs qui enseignent la Shoah. Or, c’est de moins en moins le cas, ce qui constitue un scandale national.
Nous devons agir pour lutter pieds à pieds, établissement par établissement, afin de restaurer l’autorité des enseignants, leur permettre d’instruire sur les réalités historiques, d’éveiller leurs élèves une vraie liberté d’esprit qui passe par la curiosité intellectuelle, par un goût de la beauté qui supporte que celle-ci
puisse heurter notre sensibilité, par un amour inconditionnel de la vérité y compris quand elle dérange nos propres présupposés.
L’école est devenue le symbole de tous nos maux, elle doit devenir le lieu de tous nos combats car elle est une partie essentielle de la solution. De même qu’une politique pénale et une action judiciaire implacables contre contre toute dérive antisémite.
Chers amis,
La France que nous aimons, la France fidèle au pacte sacré de la liberté et de la dignité humaine, cette France-là est attaquée. Cette France nous oblige. Elle nous oblige à ne jamais sacrifier nos idéaux. Elle nous oblige à ne pas choisir les chemins de complaisance qui, de compromis en compromission, conduisent à la déroute morale et au désastre humain.
Elle nous oblige à ne jamais nous habituer aux meurtres de professeurs, assassinés parce qu’ils avaient décidé d’apprendre à leurs élèves à devenir citoyens. Et nous pensons bien sûr à Samuel Paty et à Dominique Bernard.
Elle nous oblige à ne jamais renoncer à la joie magnifique et exigeante que représente la Liberté. Ceux qui se défaussent parce qu’ils ne se croient pas concernés doivent le savoir : s’ils ne sont pas les premières victimes de cette obscurité, ils en seront les suivantes.
Telle est l’exigence du souvenir qui nous rassemble aujourd’hui.
Soyez assurés que vous me trouverez toujours à vos côtés quand il s’agira de faire front, au nom de l’idée que nous nous faisons de la France, de la République et de l’Homme.
Vive Cannes,
Vive la République,
Vive la France ! »
David Lisnard.